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à dire ce que personne n’ignore. Mais ce qui mérite d’être remarqué, c’est que parmi les anciens ceux qui ont fait les mots n’ont point regardé le délire (μανία) comme honteux et déshonorant. [244c] En effet, ils ne l’auraient point confondu sous une même dénomination avec le plus beau des arts, celui de prévoir l’avenir, qui dans l’origine fut appelé μανική. C’est parce qu’ils regardaient le délire comme quelque chose de beau et de grand, du moins lorsqu’il est envoyé des dieux, qu’ils en donnèrent le nom à cet art ; et nos contemporains, par défaut de goût, introduisant un τ dans ce mot, l’ont changé mal à propos en celui de μαντική. Au contraire, la recherche de l’avenir faite sans inspiration d’après le vol des oiseaux ou d’après d’autres signes, et essayant d’élever à l’aide du raisonnement l’opinion humaine à la hauteur de l’intelligence et de la connaissance, fut appelée d’abord οἰονιστική ; dont les modernes [244d] ont fait οἰωνιστική[1], changeant l’ancien ο en leur emphatique ω. Les anciens nous attestent par là qu’autant l’art du prophète (μαντική) est plus noble que celui de l’augure

  1. D’οἴησις, opinion, νοῦς, intelligence, et ἱστορία, connaissance. Les rapports verbaux et étymologiques sur lesquels repose la force de ce passage, sont intraduisibles en français.