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m’arrête toujours au moment d’agir. J’ai cru entendre de ce côté une voix qui me défendait de partir avant d’avoir acquitté ma conscience, comme si elle était chargée de quelque impiété. Tel que tu me vois, je suis devin, non pas, il est vrai, fort habile ; je ressemble à ceux dont l’écriture n’est lisible que pour eux-mêmes ; j’en sais assez pour mon usage. Je devine donc, et je vois clairement le tort que j’ai eu. L’âme humaine, mon cher Phèdre, a une puissance prophétique. Il y avait longtemps qu’en te parlant je me sentais agité d’un certain trouble, pensant avec un peu d’effroi, que peut-être, comme dit le poète Ibycus[1], [242d] les dieux me feraient un crime de ce qui me faisait honneur aux yeux des hommes ; à présent je reconnais ma faute.

PHÈDRE.

Mais quelle faute ?

SOCRATE.

Cette faute énorme, n’en doute pas, mon cher Phèdre, est commune à nos deux discours, à

  1. De Rhégium, poète lyrique, qui florissait environ 555 ans avant Chr., et écrivit en dorien sept livres de poésies, dont il nous reste peu de fragments. Fabric. B. G. II, 15.