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trouver si docile après l’avoir séduit. Il verra donc nécessairement son opulence d’un œil chagrin, et sera prêt à se réjouir de sa ruine. Enfin il souhaitera de le voir le plus longtemps possible sans enfants, sans ménage, sans maison ; car il ne songera qu’à prolonger ses propres jouissances.

Parmi toutes les choses qui nous sont funestes, il n’en est presque pas une à laquelle un dieu n’ait mêlé [240b] pour un instant quelque jouissance. Ainsi à la flatterie, cette bête cruelle, ce fléau détestable, la nature a joint un plaisir assez délicat. Le commerce d’une courtisane, et d’autres habitudes semblables qu’on a raison de condamner comme nuisibles, ont cependant un charme et une douceur momentanée ; mais la compagnie d’un amant n’est pas seulement nuisible à un jeune homme, elle ne peut manquer de lui devenir [240c] extrêmement désagréable. Un vieux proverbe ne dit-il pas que les âges aiment à se rapprocher ? Sans doute, un même âge, inspirant les mêmes goûts, dispose à l’amitié par une certaine conformité d’humeur ; et cependant même entre jeunes gens une trop longue familiarité fait naître le dégoût ; toute nécessité est un joug pesant ; mais ce joug ne se fait nulle part mieux sentir que dans la société d’un