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neuf archontes, je te promets de consacrer à Delphes une statue d’or de grandeur naturelle[1], ou plutôt [235e] deux, la tienne et la mienne.

SOCRATE.

C’est toi, mon cher Phèdre, qui vaux en ce moment ton pesant d’or, si tu as la bonne foi de croire que dans le discours de Lysias tout me semble à refaire, et qu’ainsi je me chargerais de traiter le même sujet sans me rapprocher en rien de ce qu’il a dit. Pareille chose n’arriverait pas même au plus mauvais écrivain. Comment veux-tu, par exemple, qu’obligé d’établir la supériorité de l’ami froid sur l’amant passionné, je puisse ne pas vanter la sagesse de l’un [236a] et blâmer la folie de l’autre ? Supprime ces motifs tout-à-fait essentiels au sujet, que reste-t-il à dire ? Il faut donc bien les permettre à l’orateur, et c’est le cas de suppléer au mérite de l’invention par celui de la disposition. Dans les choses moins indispensables et en même temps plus

  1. Les neuf archontes, l’éponyme, le roi, le polémarque, et six thesmothètes, juraient, en prenant leurs charges, que celui d’entre eux qui se laisserait corrompre dans l’administration de la république, consacrerait à Delphes, comme amende, sa propre statue en or. Voyez le Scholiaste ; Suidas, χρ. εἰκ ; Toup., Pollux, VIII. 9, 85 ; Heraclius. Pont., p. 4, éd. Koel. ; et Hermias, p. 81.