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rement, tout le bien qu’on a pu lui faire ? Les amants calculent à la fin le tort que l’amour a fait à leur fortune : ils comptent leurs libéralités, ils y ajoutent tant de peines cuisantes qu’ils ont ressenties, [231b] et se croient depuis longtemps quittes envers l’objet aimé. Mais celui qui n’a point connu l’amour ne peut alléguer ni les affaires qu’il a négligées, ni les peines qu’il a souffertes, ni les tracasseries de famille, ni les reproches de ses parent. Exempt de tous ces regrets, il ne lui reste qu’à saisir avec ardeur les occasions de montrer sa reconnaissance. [231c] On peut dire en faveur de l’amant que ses sentiments sont plus vifs, et qu’incapable de se modérer ni dans ses paroles, ni dans ses actions, il affrontera s’il le faut la haine de tous pour plaire à un seul. Mais s’il en est ainsi, n’est-il pas évident que de nouvelles amours venant à l’emporter sur les premières, il ira, si sa nouvelle passion l’exige, jusqu’à nuire à ceux qu’il chérissait auparavant ? [231d] Quoi donc ! accorder de si précieuses faveurs à une personne notoirement atteinte d’un mal qu’aucun homme sensé n’essaiera jamais de guérir ! Ceux mêmes qui l'éprouvent avouent qu’ils sont plutôt hors d’eux-mêmes que dans leur bon sens ; qu’ils ont bien le sentiment de leur folie, mais qu’ils n’en sont