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gnifiquement de lui-même, je l’ai vu ailleurs donner malgré lui un spectacle plus vrai de son savoir-faire. Le navire sur lequel il était ayant attaqué un vaisseau de charge, Stésilée combattait avec une pique armée d’une faux, espèce d’arme aussi originale que celui qui la portait ; cet homme n’a jamais rien fait, du reste, que l’on puisse raconter ; mais le succès qu’eut ce stratagème guerrier, de mettre une faux [183e] au bout d’une pique, mérite d’être su. Comme il s’escrimait de cette arme, elle vint à s’embarrasser dans les cordages du vaisseau ennemi, et s’y arrêta ; Stésilée tirait à lui de toute sa force pour la dégager sans pouvoir y réussir. Les vaisseaux passaient tout auprès l’un de l’autre, et lui d’abord courut le long du vaisseau en suivant l’autre sans lâcher prise ; mais quand l’ennemi commença à s’éloigner, et fut sur le point de l’entraîner attaché à la pique, [184a] il la laissa couler peu-à-peu dans ses mains, jusqu’à ce qu’il ne la tînt plus que par le petit bout. C’étaient des huées et des sarcasmes, du côté des ennemis, sur cette plaisante attitude ; mais quelqu’un lui ayant jeté une pierre, qui tomba à ses pieds, il abandonna la pique, et alors les gens de son navire ne purent eux-mêmes s’empêcher de rire, en voyant cette faucille armée pendue aux cordages du vaisseau ennemi. Il