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en disant qu’il me venait de singulières idées, et je craignais bien que nous n’eussions pas raisonné juste. Car, en vérité, quand même la sagesse serait tout ce que nous avons dit, il n’est pas encore [173a] prouvé pour moi qu’elle nous fasse aucun bien.

Comment ! Explique-toi, que nous sachions ce que tu penses.

Je crois bien, repris-je, que je suis en délire ; mais encore faut-il ne pas laisser passer légèrement et sans examen les idées qui nous viennent à l’esprit, pour peu que l’on s’intéresse à soi-même.

À merveille.

Écoute donc mon songe, et juge s’il est sorti de la porte d’ivoire ou de la porte de corne[1]. Quel que soit sur nous l’empire de la sagesse, en la supposant telle que nous avons dit, [173b] qu’en résulte-t-il après tout ? Qu’un homme, qui prétendrait être pilote sans connaître son art, ne pourrait nous abuser, non plus qu’un médecin, un général, qui se donneraient pour savoir ce qu’ils ne savent pas. En cet état de choses, aurions-nous d’autre avantage à espérer, si ce n’est une meilleure santé pour le corps, une garantie plus sûre contre les dangers de la mer et de la

  1. Hom. Odyss. liv. XIX, v. 562.