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LE PREMIER ALCIBIADE.


rance de tes poursuites ? Je vais te satisfaire, cher enfant de Clinias et de Dinomaque. C’est que tu ne peux accomplir tous ces grands desseins sans moi : tant j’ai de pouvoir sur toutes tes affaires et sur toi-même ! De là vient aussi, sans doute, que le Dieu qui me gouverne ne m’a pas permis de te parler jusqu’ici, et j’attendais sa permission. Et comme tu espères que dès que tu auras fait voir à tes concitoyens [105e] que tu leur es très précieux, à l’instant tu pourras tout sur eux, j’espère aussi que je pourrai beaucoup sur toi, quand je t’aurai convaincu que je te suis du plus grand prix, Alcibiade, et qu’il n’y a ni tuteur, ni parent, ni personne qui puisse te mener à la puissance à laquelle tu aspires, excepté moi, avec l’aide du Dieu, toutefois. Tant que tu as été plus jeune, et que tu n’as pas eu cette grande ambition, le Dieu ne m’a pas permis de te parler, [106a] afin que mes paroles ne fussent pas perdues. Aujourd’hui, il me le permet, car tu es capable de m’entendre.

ALCIBIADE.

Je t’avoue, Socrate, que je te trouve encore plus étrange depuis que tu as commencé à me parler, que pendant que tu as gardé le silence, et cependant tu me le paraissais terriblement. Que tu aies deviné juste mes pensées, je le veux ; et quand je te dirais le contraire, je ne vien-