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LE PREMIER ALCIBIADE.

tu le dis, tu as envie de savoir ce que je pense ; et je vais te parler comme à un homme qui aura la patience de m’entendre, et qui ne cherchera pas à m’échapper.

ALCIBIADE.

À merveille ; voyons, parle.

SOCRATE.

[104e] Prends bien garde à quoi tu t’engages, afin que tu ne sois pas surpris si j’ai autant de peine à finir que j’en ai eu à commencer.

ALCIBIADE.

Parle, mon cher, je t’entendrai tout le temps que tu voudras.

SOCRATE.

Il faut donc t’obéir, et, quoiqu’il soit un peu pénible de parler d’amour à un homme qui a maltraité tous ses amans, il faut avoir le courage de te dire ma pensée. Pour moi, Alcibiade, si je t’avais vu, satisfait de tels avantages, t’imaginer que tu n’as rien de mieux à faire qu’à t’y reposer toute ta vie, il y a long-temps que j’aurais aussi renoncé à ma passion ; [105a] du moins je m’en flatte. Mais je vais te découvrir de toutes autres pensées de toi sur toi-même, et tu connaîtras par là que je n’ai jamais cessé de t’étudier. Je crois que si quelque Dieu te disait tout-à-coup : Alcibiade, qu’aimes-tu mieux ou mourir tout à l’heure, ou, content des avantages