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élevée, je l’évite, tant j’ai honte du peu que je suis. Et cette faculté, lui demandai-je, t’a-t-elle abandonné tout-à-coup, ou peu-à-peu ? Peu-à-peu, me répondit-il. [130d] Et comment te vint-elle ? est-ce pour avoir appris quelque chose de moi, ou de quelque autre manière ? Je vais te dire, Socrate, reprit-il, une chose qui paraîtra incroyable, mais qui est pourtant très vraie. Je n’ai jamais rien appris de toi, comme tu le sais fort bien. Cependant je profitais quand j’étais avec toi, même quand je n’étais que dans la même maison sans être dans la même chambre ; quand j’étais dans la même chambre, j’étais mieux encore ; et quand dans la même chambre j’avais les yeux fixés sur toi, pendant [130e] que tu parlais, je sentais que je profitais plus que quand je regardais ailleurs ; mais je profitais bien plus encore lorsque j’étais assis auprès de toi et que je te touchais. Maintenant, ajouta-t-il, c’est en vain que je me cherche moi-même.

Tel est, mon cher Théagès, le commerce que l’on peut avoir avec moi. S’il plaît au Dieu, tu profiteras auprès de moi beaucoup et en peu de temps ; sinon, tes efforts seront inutiles. Vois donc s’il n’est pas plus sûr pour toi de t’attacher à quelqu’un de ceux qui sont les maîtres d’être utiles, plutôt que de suivre un homme qui ne peut répondre de rien.