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de plus déplorable, c'est elle qui nous porte à demander aux dieux nos propres malheurs. Personne ne s'en doute ; et tout le monde se croit fort en état de demander aux dieux du bonheur et non de la misère ; car ce ne serait pas là une prière, mais une véritable imprécation.

SOCRATE.

Mais peut-être, mon cher Alcibiade, un homme plus sage que toi et moi, nous dirait que nous avons grand tort [143c] de blâmer ainsi l'ignorance indistinctement, sans ajouter quelle sorte d'ignorance nous condamnons ; et que s'il y a des cas où elle est mauvaise, il y en a d'autres où elle est bonne.

ALCIBIADE.

Comment dis-tu, Socrate, y a-t-il rien qu'il soit plus utile d'ignorer que de savoir ?

SOCRATE.

Oui, selon moi. Tu n'es pas de cet avis ?

ALCIBIADE.

Non, certes, par Jupiter !

SOCRATE.

Assurément je ne t'accuserai pas de vouloir te porter contre ta mère aux fureurs d'un Oreste, ou d'un Alcméon, ou d'aucun [143d] autre parricide.