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SOCRATE.

Les plus profondes, Alcibiade, ce me [138b] semble. Car, au nom de Jupiter, ne penses-tu pas que lorsque nous adressons nos prières aux dieux, soit en public, soit en particulier, les dieux nous accordent certaines choses et nous en refusent d’autres ? que tantôt ils exaucent, et tantôt ils rejettent nos vœux ?

ALCIBIADE.

Certainement.

SOCRATE.

Eh bien ! alors ne te semble-t-il pas que la prière exige beaucoup d’attention, de peur que, sans qu’on s’en aperçoive, on ne demande aux dieux de grands maux, en croyant leur demander de grands biens, et que les dieux ne se trouvent dans la disposition d’accorder ce qu’on leur demande ; comme Œdipe [138c] qui, dans un accès de colère, demanda aux dieux, à ce qu’on dit, que ses enfans décidassent leurs droits par l’épée. Et tandis qu’il pouvait prier les dieux d’éloigner de lui les maux dont il était accablé, il s’en attira de nouveaux ; car ses vœux furent exaucés, et de là cette longue suite de malheurs épouvantables , qu’il n’est pas nécessaire de te conter ici en détail[1].

  1. Ces vœux d’Œdipe sont rapportés, par Jocaste, dans les Phéniciennes d’Euripide, v. 66.