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Platon avait retouché le style de la République, et que les Lois nous sont parvenues dans leur premier état, avant que leur auteur ait eu le temps d’y mettre la dernière main. Les Lois sont une conversation entre des interlocuteurs d’une intelligence élevée, et qui parlent admirablement, mais qui se comprennent à demi-mot ; conversation libre et naturelle, qui admet et entraîne nécessairement dans la même phrase des interruptions, des reprises, les changements les plus simples en eux-mêmes et qui, éclairés par le geste et par la voix, devaient être immédiatement compris, mais qui, en dehors du mouvement de la conversation et considérés à deux mille ans de distance, échappent à l’analyse grammaticale des modernes, et gênent à leurs yeux, embarrassent et obscurcissent le discours. Tel est le vrai point de vue sous lequel il faut envisager la phrase platonicienne en général, et surtout celle des Lois ; si on le manque, cette phrase devient inintelligible, et pour la comprendre il ne reste qu’une ressource, celle de la détruire et de la refaire. Ast emploie trop souvent ce procédé. Non seulement sa ponctuation introduit partout les divisions artificielles de notre analyse dans la phrase synthétique de Platon, et par là en change l’aspect ; mais, au profit d’une régularité qui serait un anachronisme, il bouleverse les phrases les plus naturelles, et ne se sert souvent de la critique la plus ingénieuse que