choses qu’une grammaire sévère réprouverait, mais que la conversation permet et commande. Je voudrais bien que deux personnes, et je prendrai, si l’on veut, les deux plus beaux parleurs du monde, après avoir causé un quart d’heure avec intérêt et vivacité sur un sujet quelconque, vissent tout à-coup leur conversation sténographiée : assurément ils s’étaient tous deux parfaitement compris, et par conséquent ce qu’ils s’étaient dit devait être en soi clair et intelligible ; eh bien, qu’ils lisent cette même conversation couchée par écrit, et ils seront confondus de reconnaître qu’il ne s’y trouve pas peut être une seule phrase sur ses pieds, et qu’il y a des milliers de choses qui, aux termes de l’analyse grammaticale, sont à peu près incompréhensibles. C’est qu’on parle d’une manière et qu’on écrit d’une autre ; c’est qu’il y a une grammaire naturelle et une grammaire artificielle, c’est que le point de vue dans lequel on se place quand on lit n’est pas du tout celui où l’on est quand on parle et qu’on écoute. Mais cette différence est plus ou moins forte selon les temps et selon les genres. Les langues ont un âge où l’art d’écrire, c’est-à-dire la réflexion appliquée à la manière d’exprimer sa pensée, est si peu avancé qu’on écrit à peu près comme on parle : tel est dans la prose grecque, par exemple, l’âge d’Hérodote dont Courier a très bien exposé le caractère (Prospectus d’une Traduction
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