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Je puis répondre avec raison à qui me ferait cette objection : Vous êtes dans l’erreur, si vous croyez qu’un homme, qui vaut quelque chose, doit considérer les chances de la mort ou de la vie, au lieu de chercher seulement, dans toutes ses démarches, si ce qu’il fait est juste ou injuste, et si c’est l’action d’un homme de bien ou d’un méchant. Ce seraient donc, suivant vous, des insensés que tous ces demi-dieux qui moururent au siège de Troie, et particulièrement le fils [28c] de Thétis, qui comptait le danger pour si peu de chose, en comparaison de la honte, que la déesse sa mère, qui le voyait dans l’impatience d’aller tuer Hector, lui ayant parlé à-peu-près en ces termes, si je m’en souviens : Mon fils, si tu venges la mort de Patrocle, ton ami, en tuant Hector, tu mourras ; car

Ton trépas doit suivre celui d’Hector ;

lui, méprisant le péril et la mort, et [28d] craignant beaucoup plus de vivre comme un lâche, sans venger ses amis :

Que je meure à l’instant,

s’écrie-t-il, pourvu que je punisse le meurtrier de Patrocle, et que je ne reste pas ici exposé au mépris,

Assis sur mes vaisseaux, fardeau inutile de la terre[1].
  1. HOM,. Iliad., liv. XVIII, v. 96, 98, 104