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qu’il s’est servi de mon nom comme d’un [23b] exemple, et comme s’il eût dit à tous les hommes : Le plus sage d’entre vous, c’est celui qui, comme Socrate, reconnaît que sa sagesse n’est rien. Convaincu de cette vérité, pour m’en assurer encore davantage, et pour obéir au dieu, je continue ces recherches, et vais examinant tous ceux de nos concitoyens et des étrangers, en qui j’espère trouver la vraie sagesse ; et quand je ne l’y trouve point, je sers d’interprète à l’oracle ; en leur faisant voir qu’ils ne sont point sages. Cela m’occupe si fort, que je n’ai pas eu le temps d’être un peu utile à la république, ni à ma [23c] famille, et mon dévouement au service du dieu m’a mis dans une gêne extrême. D’ailleurs beaucoup de jeunes gens, qui ont du loisir, et qui appartiennent à de riches familles, s’attachent à moi, et prennent un grand plaisir à voir de quelle manière j’éprouve les hommes ; eux-mêmes ensuite tâchent de m’imiter, et se mettent à éprouver ceux qu’ils rencontrent ; et je ne doute pas qu’ils ne trouvent une abondante moisson ; car il ne manque pas de gens qui croient tout savoir, quoiqu’ils ne sachent rien, ou très-peu de chose. Tous ceux qu’ils convainquent ainsi d’ignorance s’en prennent à moi, et non pas à eux, et vont disant qu’il y a un certain Socrate, [23d] qui est une vraie peste pour les jeunes gens ; et