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SOCRATE.

Pose pour certain que parmi les affections que notre corps éprouve ordinairement, les unes s’éteignent dans le corps même, avant de passer jusqu’à l’âme, et la laissent sans aucun sentiment ; les autres passent du corps à l’âme, et produisent une espèce d’ébranlement qui a quelque chose de particulier pour l’un et pour l’autre, et de commun aux deux.

PROTARQUE.

Je le suppose.

SOCRATE.

N’aurons-nous pas raison de dire que les affections qui ne se communiquent point à l’un et à l’autre échappent à l’âme, et que celles qui vont jusqu’à tous les deux ne lui échappent point ?

PROTARQUE.

Sans contredit.

SOCRATE.

Quand je dis qu’elles lui échappent, ne va pas croire que je veuille parler ici de l’origine de l’oubli[1]. Car l’oubli est la perte de la mé-

  1. Tout ce passage repose sur un jeu de mots. Le mot qui exprime que l’âme ignore ses sensations, λανθάνειν (lanthanein), exprime aussi qu’elle les oublie. Socrate prévient ici une équivoque qui aurait pu naître des deux nuances de λανθάνειν (lanthanein), et qui n’a point lieu en français.