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tandis que nous avons déjà ce droit jugement par rapport à leur différence ; et de cette sorte il y a plus d’absurdité en un pareil conseil, qu’à prescrire de tourner une scytale[1], un mortier, ou toute autre chose passée en proverbe. On l’appellerait avec plus de raison le conseil d’un aveugle, rien ne ressemblant mieux à un aveuglement complet, que d’ordonner de prendre ce qu’on a, afin de savoir ce qu’on sait déjà dans le jugement.

THÉÉTÈTE.

Dis-moi, que voulais-tu dire tout-à-l’heure lorsque tu m’interrogeais ?

SOCRATE.

Mon enfant, si par expliquer un objet, on entend en connaître la différence, et non simplement la juger ; l’explication en ce cas est ce

  1. La scytale était un bâton rond, autour duquel on roulait un parchemin sur lequel, lorsqu’il était ainsi roulé, on écrivait ce qu’on jugeait à propos. Celui à qui l’on écrivait avait une scytale de même grosseur, sur laquelle il roulait ce parchemin, afin de pouvoir le lire. Or la scytale étant ronde, il était indifférent en quel sens on la tournât pour y appliquer le parchemin, pourvu qu’elle fût de la grosseur qu’il fallait. Pour le mortier, on voit bien que de quelque manière qu’on le tourne, cela revient toujours au même. Tourner une scytale, un mortier, étaient des proverbes pour dire : faire plusieurs fois la même chose, prendre une peine inutile.