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SOCRATE.

Je crains que nous n’ayons assez mauvaise grâce à critiquer Mélisse et ceux qui soutiennent que tout est un et immobile ; mais je l’appréhende moins pour eux tous ensemble que pour le seul Parménide. Parménide me paraît tout à-la-fois respectable et redoutable[1], pour me servir des termes d’Homère. Je l’ai fréquenté moi fort jeune, lui étant fort vieux ; et il m’a semblé qu’il y avait dans ses discours une profondeur tout-à-fait extraordinaire. J’ai donc grand’peur que nous ne comprenions point ses paroles, et encore moins sa pensée ; et plus que tout cela, j’ai peur que les digressions qui viennent se jeter à la traverse, si nous les écoutons, ne nous fassent perdre de vue l’objet principal de cet entretien, qui est de connaître la nature de la science. D’ailleurs le sujet que nous réveillons ici est immense : ce serait lui faire tort de ne l’examiner qu’en passant ; et si nous lui donnons toute l’étendue qu’il mérite, c’en est fait de la question qui nous occupe. Or il ne faut pas que ni l’un ni l’autre arrive ; et il vaut mieux que nous essayions avec l’art des sages-femmes de délivrer Théétète de ses conceptions sur la science.

  1. Iliad., III, v. 172.