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de refuser à l’homme injuste qui blesse la piété dans ses discours et dans ses actions le titre d’homme habile. Car c’est un reproche qui plaît à leur vanité ; et ils se persuadent qu’on veut dire par là que ce ne sont point des gens méprisables, d’inutiles fardeaux de la terre, mais des hommes tels qu’on doit être pour se tirer d’affaire en cette vie. Il faut leur dire, ce qui est vrai, que moins ils croient être ce qu’ils sont, plus ils le sont en effet, dans leur ignorance déplorable de la vraie punition de l’injustice. Cette punition n’est pas celle qu’ils s’imaginent, les supplices, la mort, auxquels ils réussissent souvent à se soustraire, tout en faisant mal ; mais c’est une punition à laquelle il leur est impossible d’échapper.

THÉODORE.

Quelle est-elle ?

SOCRATE.

Il y a, dans la nature des choses, mon cher ami, deux modèles, l’un divin et bien heureux, l’autre sans Dieu et misérable. Ils ne s’en doutent pas, et l’excès de leur folie les empêche de sentir que leur conduite pleine d’injustice les rapproche du second et les éloigne du premier ; aussi en portent-ils la peine, menant une vie