Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/444

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mêmes leur avancement, m’ayant quitté plus tôt qu’il ne fallait, soit par mépris pour ma personne, soit à l’instigation d’autrui, ont depuis avorté dans toutes leurs productions, à cause des mauvaises liaisons qu’ils ont contractées, et gâté par une éducation vicieuse ce que mon art leur avait fait produire de bon. Ils ont fait plus de cas des apparences et des chimères que de la vérité, et ils ont fini par paraître ignorans à leurs propres yeux et aux yeux d’autrui. De ce nombre est Aristide, fils de Lysimaque[1], et beaucoup d’autres. Lorsqu’ils viennent de nouveau pour renouer commerce avec moi, et qu’ils font tout au monde pour l’obtenir, la voix intérieure qui ne m’abandonne jamais me défend de converser avec quelques-uns, et me le permet à l’égard de quelques autres, et ceux-ci profitent comme la première fois. Et pour ceux qui s’attachent à moi, il leur arrive la même chose qu’aux femmes en travail : jour et nuit ils éprouvent des embarras et des douleurs d’enfantement plus vives que celles des femmes. Ce sont ces douleurs que je puis réveiller ou apaiser quand il me plaît, en vertu de mon art. Voilà pour les uns. Quelquefois aussi, Théétète, j’en vois dont l’esprit ne me paraît pas en-

  1. Voyez le Théagès.