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Nous en sommes convenus, sans doute. Le moyen de s’en empêcher ?

Cependant ne voyons-nous pas que l’âme fait tout le contraire ? qu’elle gouverne tous les élémens dont on prétend qu’elle est composée ; leur résiste pendant presque toute la vie et les dompte de toutes les manières, réprimant les uns durement et avec douleur, comme dans la gymnastique et la médecine ; réprimant les autres plus doucement, gourmandant ceux-ci, avertissant ceux-là ; parlant au désir, à la colère, à la crainte, comme à des choses d’une nature étrangère : ce qu’Homère nous a représenté dans l’Odyssée, où Ulysse,

Se frappant la poitrine, gourmande ainsi son cœur :
Souffre ceci, mon cœur ; tu as souffert des choses plus dures
[1].

Crois-tu qu’Homère eût dit cela, s’il eût conçu l’âme comme une harmonie, et comme devant être gouvernée par les passions du corps. Ne pensait-il pas plutôt, qu’elle doit les gouverner et les maîtriser, et qu’elle est quelque chose de bien plus divin qu’une harmonie ?

Oui, par Jupiter, répondit-il, je le crois.

Il ne nous sied donc bien en aucune manière de dire que l’âme est une espèce d’harmonie ; car, à ce qu’il paraît nous ne serions d’accord

  1. Odyssée, liv. XX, v. 17.