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tence et renaisse plusieurs fois pour mourir de nouveau, [88b] étant assez forte par sa nature pour résister à plusieurs naissances ; si, dis-je, on accordait tout cela, mais sans accorder qu’elle ne se fatigue point dans ce grand nombre de naissances, et qu’elle ne finit pas par périr tout-à-fait dans quelqu’une de ces morts ; et si l’on ajoutait que personne ne sait qu’elle sera précisément la mort où doit périr l’âme, qui que ce soit d’entre nous ne pouvait en avoir le sentiment ; alors nul homme ne pourrait raisonnablement ne pas craindre la mort, s’il n’a pas de preuve certaine que l’âme est quelque chose d’absolument immortel et impérissable : sans cela, il faut bien de toute nécessité que celui qui va mourir craigne pour son âme, et aie peur que sa séparation actuelle d’avec le corps soit l’épreuve dernière où elle doit périr sans retour.

[88c] Après que nous eûmes entendus leurs discours, nous éprouvâmes tous un sentiment désagréable, comme nous nous l’avouâmes ensuite ; car après avoir été pleinement convaincus par les raisonnemens antérieurs, il nous semblait qu’on venait nous troubler de nouveau, et jeter dans nos esprits, non-seulement pour ce qui avait été dit, mais encore pour tout ce qu’on dirait à l’avenir, ce doute cruel, ou que nous fussions