les grandes craintes, les tristesses et les désirs immodérés, [83c] on n’éprouve pas seulement les maux ordinaires, comme d’être malade, ou de perdre sa fortune, mais le plus grand et le dernier de tous les maux, et même sans en avoir le sentiment.
Et quel est donc ce mal, Socrate ?
C’est que l’effet nécessaire de l’extrême jouissance et de l’extrême affliction est de persuader à l’âme que ce qui la réjouit ou l’afflige, est très réel et très véritable, quoiqu’il n’en soit rien. Or, ce qui nous réjouit ou nous afflige, ce sont principalement les choses visibles ; n’est-ce pas ?
Certainement.
[83d] N’est-ce pas surtout dans la jouissance et la souffrance que le corps subjugue et enchaîne l’âme ?
Comment cela ?
Chaque peine, chaque plaisir, a, pour ainsi dire, un clou avec lequel il attache l’âme au corps, la rend semblable, et lui fait croire que rien n’est vrai que ce que le corps lui dit. Or, si elle emprunte au corps ses croyances, et partage ses plaisirs, elle est, je pense, forcée de prendre aussi les mêmes mœurs et les mêmes habitudes, tellement qu’il lui est impossible d’arriver jamais pure à l’autre monde ; mais, sortant