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et qu’il n’y eût qu’une seule opération, une production directe de l’un à l’autre contraire, sans aucun retour de ce dernier contraire au premier qui l’aurait produit, tu comprends bien que toutes choses finiraient par avoir la même figure, par tomber dans le même état, et que toute production cesserait.

Comment dis-tu, Socrate ?

Il n’est pas bien difficile de comprendre ce que je dis. S’il y avait assoupissement, et qu’il n’y eût point de réveil après le sommeil, la nature [72c] finirait par effacer Endymion, qui ne ferait plus grande figure, quand le monde entier serait dans le même cas que lui, enseveli dans le sommeil[1]. Si tout se mêlait, sans que ce mélange produisît jamais de séparation, on verrait bientôt arriver ce que disait Anaxagore : Toutes tes choses seraient ensemble[2]. De même, mon cher Cébès, si tout ce qui a reçu la vie venait à mourir, et qu’étant mort il demeurât dans le même état, sans revivre, n’arriverait-il pas né-

  1. Le bel Endymion dormit, dit-on, une longue suite d’années, dans une grotte du Latmos, montagne de Carie : endormi par la lune, qui le visitait (Cicer. Tuscul. I, 38).
  2. C’est le commencement d’un ouvrage d’Anaxagore : « Toutes les choses étaient ensemble ; l’intelligence les divisa et les arrangea » (Diog. Laerce, II, 6 ; Walken. Diatrib. in Euripid. Fragm.).