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ce qui arrive de cette folle et ridicule tempérance ; car ils ne renoncent à un plaisir que dans la crainte d’être privés d’un autre, qu’ils désirent et auquel ils sont assujettis. Ils appellent bien intempérance, [69a] d’être gouverné par ses passions ; mais cela ne les empêche pas de ne surmonter certaines voluptés, que dans l’intérêt d’autres voluptés dont ils sont esclaves ; ce qui ressemble fort à ce que je disais tout-à-l’heure qu’ils sont tempérans par intempérance.

Cela paraît assez vraisemblable, Socrate.

Mon cher Simmias, songe que ce n’est pas un très bon échange pour la vertu que de changer des voluptés pour des voluptés, des tristesses pour des tristesses, des craintes pour des craintes, et de mettre, pour ainsi dire, ses passions en petite monnaie ; que la seule bonne monnaie, Simmias, contre laquelle il faut échanger tout le reste, c’est la sagesse ; [69b] qu’avec celle-là on achète tout, on a tout, force, tempérance, justice ; qu’en un mot la vraie vertu est avec la sagesse, indépendamment des voluptés, des tristesses, des craintes et de toutes les autres passions ; tandis que, sans la sagesse, la vertu qui résulte des transactions des passions entre elles n’est qu’une vertu fantastique, servile, sans vérité ; car la vérité de la vertu consiste précisément [69c] dans la purification de toutes les passions,