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peur du contraire ; car, pour nuire à la patrie il ne peut mieux commencer qu’en attaquant Socrate. Mais apprends-moi, je te prie, ce qu’il t’accuse de faire pour corrompre la jeunesse.

Socrate.

Des choses qui d’abord, à les entendre, paraissent tout-à-fait absurdes ; car il dit que je fabrique des dieux, que j’en introduis de nouveaux, et que je ne crois pas aux anciens ; voilà de quoi il m’accuse.

Euthyphron.

J’entends ; c’est à cause de ces inspirations extraordinaires, qui, dis-tu, ne t’abandonnent jamais[1]. Sur cela, il vient t’accuser devant ce tribunal d’introduire dans la religion des opinions nouvelles, sachant bien que le peuple est toujours prêt à recevoir ces sortes de calomnies. Que ne m’arrive-t-il pas à moi-même, lorsque, dans les assemblées, je parle des choses divines, et que je prédis ce qui doit arriver ! ils se moquent tous de moi comme d’un fou : ce n’est pas qu’aucune des choses que j’ai prédites ait manqué d’arriver ; mais c’est qu’ils nous portent envie à tous tant que nous sommes, qui avons

  1. Voyez le premier Alcibiade, et surtout l’Apologie, où Socrate s’explique sur ces inspirations, et sur ce qu’on appelle ordinairement le démon de Socrate.