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dégager, la frotta avec sa main, et nous dit en la frottant : L’étrange chose mes amis, que ce que les hommes appellent plaisir, et comme il a de merveilleux rapports avec la douleur que l’on prétend son contraire ! Car si le plaisir et la douleur ne se rencontrent jamais en même temps, quand on prend l’un, il faut accepter l’autre, comme si un lien naturel [60c] les rendait inséparables. Je regrette qu’Ésope n’ait pas eu cette idée ; il en eût fait une fable ; il nous eût dit que Dieu voulut réconcilier un jour ces deux ennemis ; mais que n’ayant pu y réussir, il les attacha à la même chaîne, et que pour cette raison, aussitôt que l’un est venu, on voit bientôt arriver son compagnon ; et je viens d’en faire l’expérience moi-même, puisqu’à la douleur que les fers me faisaient souffrir à cette jambe, je sens maintenant succéder le plaisir.

Vraiment, Socrate, interrompit Cébès, tu fais bien de m’en faire ressouvenir ; car, à propos des [60d] poésies que tu as composées, des fables d’Ésope que tu as mises en vers, et de ton hymne à Apollon[1] quelques-uns et surtout Évenus[2], récemment encore, m’ont demandé

  1. Voyez Diogène Laërce, qui en cite quelques vers, liv. II, 42.
  2. Voyez l’Apologie.