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Au moment de nous enfuir, ou comme il te plaira d’appeler notre sortie, si les Lois et la République elle-même venaient se présenter devant nous et nous disaient : « Socrate, que vas‑tu faire ? L’action que tu prépares ne tend‑elle pas à renverser, autant qu’il est en toi, et nous et l’état tout entier ? car quel état peut subsister, où les jugemens rendus n’ont aucune force, et sont foulés aux pieds par les particuliers ? » que pourrions‑nous répondre, Criton, à ce reproche et à beaucoup d’autres semblables qu’on pourrait nous faire ? car que n’aurait‑on pas à dire, et surtout un orateur sur cette infraction à la loi, qui ordonne que les jugemens rendus seront exécutés[1] ? Répondrons-nous que la République nous a fait injustice, et qu’elle n’a pas bien jugé ? Est-ce là ce que nous répondrons ?

Criton.

Oui, sans doute, Socrate, nous le dirons.

Socrate.

Et les lois que diront-elles ? « Socrate, est-ce de cela que nous sommes convenus ensemble, ou de te soumettre aux jugemens rendus par la république ? » Et si nous paraissions surpris de ce langage, elles nous diraient peut-être : « Ne t’é-

  1. Démosthène, Dicours contre Timarch., page 718, édit, Reiske.