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Télamon, et tous ceux des temps anciens, qui sont morts victimes de condamnations injustes ! Quel agrément de comparer mes aventures avec les leurs ! Mais mon plus grand plaisir serait d’employer ma vie, là comme ici, à interroger et à examiner tous ces personnages pour distinguer ceux qui sont véritablement sages, et ceux qui croient l’être et ne le sont point. À quel prix ne voudrait-on pas, mes juges, examiner [41c] un peu celui qui mena contre Troie une si nombreuse armée[1], ou Ulysse ou Sisyphe[2], et tant d’autres, hommes et femmes, avec lesquels ce serait une félicité inexprimable de converser et de vivre, en les observant et les examinant ? Là du moins on n’est pas condamné à mort pour cela ; car les habitans de cet heureux séjour, entre mille avantages qui mettent leur condition bien au-dessus de la nôtre, jouissent d’une vie immortelle, si du moins ce qu’on en dit est véritable.

C’est pourquoi, mes juges, soyez pleins d’espérance dans la mort, et ne pensez qu’à [41d] cette vérité, qu’il n’y a aucun mal pour l’homme de bien, ni pendant sa vie ni après sa mort, et que

  1. Agamemnon.
  2. Le plus rusé des hommes, selon Homère. (Iliade, liv. VI, v. 153.)