Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.

justes, [35d] ni pieuses, et que j’y aie recours dans une occasion où je suis accusé d’impiété par Mélitus ; si je vous fléchissais par mes prières, et que je vous forçasse à violer votre serment, c’est alors que je vous enseignerais l’impiété, et en voulant me justifier, je prouverais contre moi-même que je ne crois point aux dieux. Mais il s’en faut bien, Athéniens, qu’il en soit ainsi. Je crois plus aux dieux qu’aucun de mes accusateurs ; et je vous abandonne avec confiance à vous et au dieu de Delphes le soin de prendre à mon égard le parti le meilleur et pour moi et pour vous.

[Ici les juges ayant été aux voix, la majorité déclare que Socrate est coupable. Il reprend la parole :]

[35e] Le jugement que vous venez de [36a] prononcer, Athéniens, m’a peu ému, et par bien des raisons ; d’ailleurs je m’attendais à ce qui est arrivé. Ce qui me surprend bien plus, c’est le nombre des voix pour ou contre ; j’étais bien loin de m’attendre à être condamné à une si faible majorité ; car, à ce qu’il paraît, il n’aurait fallu que trois voix[1] de plus pour que je fusse absous. Je puis donc me flatter d’avoir échappé à

  1. Les juges étaient 556, dont 281 opinèrent contre Socrate, et 275 en sa faveur. Il ne manqua donc à Socrate que 3 voix de plus pour obtenir l’égalité des suffrages et pour être absous.