Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je ne suis point né d’un chêne ou d’un rocher,[1]


mais d’un homme. Ainsi, Athéniens, j’ai des parents ; et pour des enfants, j’en ai trois, l’un déjà dans l’adolescence, les deux autres encore en bas âge ; et cependant je ne les ferai pas paraître ici pour vous engager à m’absoudre. Pourquoi ne le ferai-je pas ? Ce n’est ni par une [34e] opiniâtreté superbe, ni par aucun mépris pour vous ; d’ailleurs, il ne s’agit pas ici de savoir si je regarde la mort avec intrépidité ou avec faiblesse ; mais pour mon honneur, pour le vôtre et celui de la république, il ne me paraît pas convenable d’employer ces sortes de moyens, à l’âge que j’ai, et avec ma réputation, vraie ou fausse, puisque enfin c’est une [35a] opinion généralement reçue que Socrate a quelque avantage sur le vulgaire des hommes. En vérité, il serait honteux que ceux qui parmi vous se distinguent par la sagesse, le courage ou quelque autre vertu, ressemblassent à beaucoup de gens que j’ai vus, quoiqu’ils eussent toujours passé pour de grands personnages, faire pourtant des choses d’une bassesse étonnante quand on les jugeait, comme s’ils eussent cru qu’il leur arriverait un bien grand mal si vous les faisiez mourir, et qu’ils deviendraient immortels si vous daigniez-leur

  1. Odyssée, liv. XIX, v. 163.