la justice ; il paraît que cela passe mes forces ; et il le faut bien, car je croyais avoir clairement prouvé contre Thrasymaque que la justice est meilleure que l’injustice ; et cependant mes preuves ne vous ont pas satisfaits. Et d’un autre côté, il m’est impossible de trahir la cause de la justice : je ne puis sans impiété souffrir [368c] qu’on l’attaque devant moi sans la défendre, quand il me reste encore un souffle de vie et assez de force pour parler. Ainsi je ne vois rien de mieux à faire que de la défendre comme je pourrai.
Aussitôt Glaucon et les autres me conjurèrent d’employer à sa défense tout ce que j’avais de force et de ne point abandonner la discussion, sans avoir essayé de découvrir la nature du juste et de l’injuste et ce qu’il y a de réel dans les avantages qu’on leur attribue. Je répondis qu’il me semblait que la recherche où ils voulaient m’engager était très délicate et demandait une vue pénétrante ; [368d] mais, ajoutai-je, puisque aucun de nous ne se pique d’avoir les lumières suffisantes, voici comment je crois qu’il faudrait s’y prendre. Si des personnes qui ont la vue basse, ayant à lire de loin des lettres écrites en petit caractère, apprenaient que ces mêmes lettres se trouvent écrites ailleurs en gros caractères sur une surface plus grande, il leur serait, je crois, très avantageux d’aller lire d’abord les grandes lettres, et de