un mal. Néglige l’apparence et l’opinion, comme Glaucon te l’a recommandé. Car si tu ne vas pas jusqu’à faire abstraction de l’opinion vraie et même jusqu’à admettre la fausse, nous dirons que tu ne loues point la justice, mais l’opinion qu’on s’en fait ; que [367c] tu ne blâmes aussi dans le vice que les apparences ; que tu nous conseilles l’injustice pourvu qu’elle se cache à tous les regards, et que tu conviens avec Thrasymaque que la justice n’est utile qu’au fort et non à celui qui la possède ; qu’au contraire l’injustice, utile et avantageuse à elle-même, n’est nuisible qu’au faible. Puisque tu as mis la justice au rang de ces biens excellens qu’on doit rechercher pour les avantages qui les accompagnent et encore plus pour eux-mêmes, comme la vue, [367d] l’ouïe, la raison, la santé et les autres biens qui ont une vertu naturelle et indépendante de l’opinion, loue la justice par ce qu’elle a en soi d’avantageux, et blâme l’injustice par ce qu’elle a en soi de nuisible. Laisse à d’autres les éloges fondés sur les récompenses et sur l’opinion. Je souffrirais peut-être dans la bouche d’un autre cette manière de louer ainsi la justice et de blâmer l’injustice par leurs effets extérieurs ; mais dans la tienne je ne le pourrais, à moins que tu ne le voulusses absolument, d’autant que, pendant tout le cours de ta vie, [367e] la justice a été l’unique objet de tes réflexions. Qu’il ne te suffise
Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/92
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.