Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crimes découverts l’accusent, qu’il soit assez éloquent pour persuader son innocence ; qu’enfin il sache emporter de force ce qu’il ne peut obtenir autrement, soit par son courage personnel et sa puissance, soit par le concours de ses amis et par ses richesses. En face de ce personnage, représentons-nous le juste homme simple, généreux, qui veut, dit Eschyle[1], être bon et non le paraître. Aussi ôtons-lui cette apparence ; car avec elle il sera comblé d’honneurs et de récompenses, et alors on ne saura plus s’il est juste pour la justice elle-même ou pour ces honneurs et ces récompenses. Dépouillons-le de tout excepté de la justice, et rendons le contraste parfait entre cet homme et l’autre : sans être jamais coupable, qu’il passe pour le plus scélérat des hommes ; que son attachement à la justice soit mis à l’épreuve de l’infamie et de ses plus cruelles conséquences ; et que jusqu’à la mort il marche d’un pas ferme, toujours vertueux et paraissant toujours criminel ; afin qu’arrivés tous deux au dernier terme, l’un de la justice, l’autre de l’injustice, on puisse juger quel est le plus heureux.

Admirable ! mon cher Glaucon, m’écriai-je ; avec quel zèle tu mets à nu ces deux hommes, pour les faire mieux juger !

  1. Les Sept devant Thèbes, v. 577.