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lui prouvent qu’il devient invisible lorsqu’il tourne la bague en dedans, et visible lorsqu’il la tourne en dehors. Alors plus de doute : il parvient à se faire nommer parmi les bergers envoyés vers le roi ; il arrive, séduit la reine, s’entend avec elle pour tuer le roi et s’empare du trône. Supposez maintenant deux anneaux semblables, et donnez l’un au juste et l’autre au méchant. Selon toute apparence, vous ne trouverez aucun homme d’une trempe d’ame assez forte pour rester inébranlable dans sa fidélité à la justice et pour respecter le bien d’autrui, maintenant qu’il a le pouvoir d’enlever impunément tout ce qu’il voudra de la place publique, d’entrer dans les maisons pour y assouvir sa passion sur qui bon lui semble, de tuer les uns, de briser les fers des autres, et de faire tout à son gré comme un dieu parmi les hommes. En cela rien ne le distinguerait du méchant, et ils tendraient tous deux au même but. Ce serait là une grande preuve que personne n’est juste par choix, mais par nécessité, et que ce n’est point un bien de l’être puisqu’on devient injuste dès qu’on peut l’être impunément. Oui, conclura le partisan de la doctrine que j’expose, l’homme a raison de croire que l’injustice lui est plus avantageuse que la justice ; et quiconque, avec un tel pouvoir, ne voudrait ni commettre aucune injustice