à quoi m’en tenir, dans l’embarras où m’ont jeté le discours de Thrasymaque et mille autres semblables qui retentissent encore à mes oreilles. Je n’ai encore entendu personne prouver comme je l’aurais voulu que la justice est préférable à l’injustice : je voudrais l’entendre louer en elle-même, et c’est de toi principalement que j’attends cet éloge. C’est pourquoi je vais m’étendre et insister sur celui de l’injustice : tu verras par là comment je souhaite que tu t’y prennes pour montrer l’excellence de la justice. Vois si ces conditions te plaisent.
Assurément : est-il un sujet sur lequel un homme sensé puisse aimer davantage à s’entretenir souvent ?
Fort bien. Écoute donc ce que je me suis chargé de t’exposer d’abord, savoir, quelle est, selon l’opinion commune, la nature et l’origine de la justice. Commettre l’injustice est, dit-on, un bien, selon la nature, comme la souffrir est un mal ; mais il y a beaucoup plus de mal à la souffrir que de bien à la commettre. Tour à tour on commit et on souffrit l’injustice ; on goûta de l’un et de l’autre ; à la fin ceux qui ne pouvaient ni opprimer [359a] ni échapper à l’oppression, jugèrent qu’il était de l’intérêt commun de s’accorder pour ne se faire désormais aucune injustice. De là prirent naissance les lois et les con-