Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/698

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choisir, avait pris la nature d’un lion : c’était celle d’Ajax, fils de Télamon, ne voulant plus de l’état d’homme, en ressouvenir du jugement qui lui avait enlevé les armes d’Achille. Après celle-là vint l’ame d’Agamemnon, qui, ayant aussi en aversion le genre humain à cause de ses malheurs passés, prit la condition d’aigle. L’ame d’Atalante[1] appelée à choisir vers la moitié, ayant considéré les grands honneurs rendus aux athlètes, n’avait pu résister à l’envie de devenir athlète elle-même. Epée[2], fils de Panopée, était devenu une femme industrieuse. L’ame du bouffon Thersite[3] qui se présenta des dernières, revêtit le corps d’un singe. L’ame d’Ulysse, à qui le hasard avait donné le dernier sort, vint aussi pour choisir : mais le souvenir de ses longs revers l’ayant désabusée de l’ambition, elle chercha long-temps, et découvrit à grand’peine dans un coin la vie tranquille d’un homme privé que toutes les autres ames avaient laissée dédaigneusement à l’écart. En l’apercevant enfin, elle dit que, quand elle aurait été la première à choisir, elle n’aurait pas fait un autre

  1. Atalante, Ovide, Métam., X.
  2. Epée est celui qui construisit le cheval de bois dont les Grecs se servirent pour prendre Troie. Homère, Odyssée, VIII, v. 493 ; Virgile, Énéide, II, v. 264.
  3. Homère, Iliade, II, v. 212 et suiv.