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appelées à choisir, une sorte d’échange des biens et des maux pour la plupart des ames. Ainsi, un homme qui, à chaque renouvellement de sa vie d’ici-bas, s’appliquerait constamment à la saine philosophie, et aurait le bonheur de ne pas être appelé des derniers à choisir, il y a grande apparence, d’après tout ce récit, que non-seulement il serait heureux dans ce monde, mais encore que dans son voyage d’ici là-bas, et dans le retour, il marcherait par la voie unie du ciel, et non par le sentier pénible de l’abîme souterrain. L’Arménien ajoutait que c’était un spectacle curieux de voir de quelle manière chaque ame faisait son choix. Rien n’était plus étrange, plus digne à la fois de compassion et de risée. C’était la plupart du temps d’après les habitudes de la vie antérieure que l’on choisissait. Er avait vu, disait-il, l’ame qui avait appartenu à Orphée, choisir l’ame d’un cygner en haine des femmes qui lui avaient donné la mort autrefois[1], ne voulant devoir sa naissance à aucune d’elles : l’ame de Thamyris[2] avait choisi la condition d’un rossignol, et réciproquement un cygne, ainsi que d’autres animaux, musiciens comme lui, avait adopté la nature de l’homme. Une autre ame, appelée la vingtième à

  1. Ovide, Métam., XI.
  2. Homère, Iliade, II, v. 595.