nous ne demanderons pas mieux que d’avoir à la reconnaître pour très bonne et très amie de la vérité : mais tant qu’elle n’aura rien de bon à alléguer pour sa défense, nous l’écouterons en nous prémunissant contre ses enchantemens par les raisons que je viens d’exposer, et nous prendrons garde de retomber dans la passion que nous avons ressentie pour elle étant jeunes, et dont le commun des hommes est atteint. Ainsi nous demeurerons persuadés qu’il ne faut pas prendre au sérieux cette espèce de poésie, comme si elle avait rien de sérieux elle-même et visait à la vérité, que tout homme qui craint pour le gouvernement intérieur de son ame, doit être en garde contre elle et ne l’écouter qu’avec précaution, qu’enfin il faut s’en tenir à tout ce que nous en avons dit.
J’y consens de grand cœur.
Car c’est un grand combat, mon cher Glaucon, oui, bien grand, et tout autre qu’on ne l’imagine, celui où il s’agit de devenir vertueux ou méchant, combat d’une telle importance que ni la gloire, ni la richesse, ni la puissance ni enfin la poésie, ne méritent pas que nous négligions pour elles la justice et les autres vertus.
J’en conviens après ce qui a été dit, et je ne crois pas qu’on puisse penser autrement.