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dans notre république d’autres ouvrages de poésie que les hymnes à l’honneur des dieux et les éloges des grands hommes. Mais du moment que tu y recevras la muse voluptueuse, soit épique, soit lyrique, le plaisir et la douleur régneront dans ton État à la place de la loi et de cette raison qui a été reconnue dans tous les temps comme le meilleur guide en toutes choses.

Rien n’est plus vrai.

Puisque nous sommes revenus sur la poésie, voilà de quoi nous justifier de l’avoir bannie de notre république ; la raison nous en faisait un devoir. Au reste, de peur que la poésie elle-même ne nous accuse en cela de dureté et de rusticité, disons-lui que ce n’est pas d’aujourd’hui qu’elle est brouillée avec la philosophie. Témoins ces traits : Cette chienne hargneuse qui aboie contre son maître… Ce grand homme parmi les vains entretiens des fous… La troupe des sages qui s’élève au-dessus de Jupiter… Ces contemplatifs subtils à qui la pauvreté aiguise l’esprit ; et mille autres qui témoignent de leur ancienne querelle. Malgré cela, protestons hautement que si la poésie imitative, et qui a pour but le plaisir, peut nous prouver par de bonnes raisons qu’on ne doit pas l’exclure d’un État bien policé, nous la recevrons à bras ouverts, parce que nous ne pouvons nous dissimuler à nous-mêmes