partie de nous-mêmes, qui est la plus excellente, n’étant pas encore assez fortifiée par la raison et par l’habitude, néglige de surveiller la partie pleureuse, alléguant qu’après tout celle-ci est simple spectatrice des malheurs d’autrui, et qu’il n’est pas honteux pour elle de donner des marques d’approbation et de pitié aux larmes qu’un autre, qui se dit homme de bien, verse mal à propos. On compte comme un gain le plaisir que l’on goûte alors, et on ne consentirait pas à s’en priver par la condamnation de tout le poème. En effet, peu de gens font réflexion qu’on s’applique nécessairement à soi-même ce qu’on a accordé aux douleurs d’autrui, et qu’après avoir nourri l’excès de notre sensibilité par ces maux étrangers, il est bien difficile de la modérer dans les nôtres.
Cela est certain.
N’en dirons-nous pas autant du ridicule ? Si tu écoutes non-seulement sans aversion, mais avec des éclats de gaîté, soit au théâtre, soit dans les conversations, des bouffonneries que tu rougirais toi-même de dire, il t’arrivera la même chose que pour les émotions pathétiques. Ce désir de faire rire, que la raison réprimait auparavant en toi, dans la crainte où tu étais de passer pour bouffon, tu lui donnes carrière ; et après avoir nourri à la comédie ce goût de plaisante-