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nous intéresse se joint l’admiration pour le talent du poète qui nous met en quelque sorte dans le même état que son héros.

Je le sais, et comment pourrais-je l’ignorer ?

Cependant tu as pu remarquer que dans les disgrâces qui nous arrivent à nous-mêmes, nous croyons qu’il est de notre honneur de prendre le parti contraire, je veux dire d’être fermes et tranquilles, persuadés que ce parti convient à un homme, et qu’il faut laisser aux femmes ces mêmes plaintes que nous venons d’applaudir.

Il est vrai.

Mais où est le bon sens, je ne dis pas de voir sans indignation, mais d’approuver avec transport dans un autre une situation que nous croirions indigne de nous, et où nous rougirions de nous trouver ?

En vérité, cela n’est guère raisonnable.

Non, sans doute, surtout si nous regardons la chose du côté qu’il la faut regarder.

De quel côté ?

Si nous considérons que cette partie de notre ame contre laquelle nous nous roidissons dans nos propres malheurs, qui est affamée de pleurs et de lamentations, qui voudrait s’en rassasier, et qui, de sa nature, est portée à les rechercher, est la même que les poètes flattent et s’étudient à satisfaire : que dans ces occasions, cette autre