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de leur temps que jamais ils ne seront capables de gouverner ni leur famille ni leur patrie, s’ils ne se mettent à leur école ; ce talent les fait tellement chérir qu’il ne leur manque que d’être portés partout en triomphe sur les têtes de leurs amis : et ceux qui vivaient du temps d’Homère et d’Hésiode, les auraient laissés aller réciter seuls leurs vers de ville en ville, s’ils en avaient pu tirer des leçons salutaires de vertu ? Ils ne se seraient point attachés à eux plus qu’à tout l’or du monde ? Ils ne les auraient pas obligés de se fixer auprès d’eux, ou, s’ils n’avaient pu y réussir, ils ne les auraient pas suivis en tous lieux comme de fidèles disciples, jusqu’à ce qu’ils eussent assez profité de leurs leçons ?

Ce que tu dis, Socrate, me paraît tout-à-fait vrai.

Disons donc de tous les poètes, à commencer par Homère, que, soit que leurs fictions aient pour objet la vertu ou toute autre chose, ce ne sont que des imitateurs de fantômes et qu’ils n’atteignent jamais à la réalité. Un peintre, disions-nous tout à l’heure, fait un portrait de cordonnier sans rien entendre à ce métier, et pourtant tel que des gens qui n’y entendent pas plus que lui, et qui ne regardent qu’à la couleur et au dessin, croiront voir un cordonnier véritable.

Sans contredit.