possible de réussir : c’est à nous de voir si ces personnes ne se sont pas laissé tromper par cette espèce d’imitateurs ; si elles n’ont pas oublié de remarquer, en voyant leurs productions, qu’elles sont éloignées de trois degrés de la réalité, et que sans connaître la vérité, il est aisé de réussir dans ces sortes d’ouvrages, véritables fantômes, où il n’y a rien de réel ; ou si peut-être ces personnes ont raison dans leurs discours, et si en effet les bons poètes entendent les matières sur lesquelles le commun des hommes trouve qu’ils ont bien écrit.
C’est ce qu’il nous faut examiner avec soin.
Crois-tu que si quelqu’un était également capable de faire la représentation d’une chose ou la chose même représentée, il choisît de consacrer ses talens à ne faire que des images vaines et qu’il en fît l’affaire de sa vie, comme s’il ne voyait rien de mieux ?
Je ne le crois pas.
Mais s’il était réellement versé dans la connaissance de ce qu’il imite, je pense qu’il s’appliquerait avec bien plus d’ardeur à faire lui-même qu’à imiter ce que fait autrui ; qu’il essaierait de se signaler, en laissant après lui, comme autant de monumens, un grand nombre de travaux et de beaux ouvrages, et qu’il aimerait bien mieux être l’objet que l’auteur d’un éloge.