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tout à l’heure, il faudra que cet État y ait recours ; mais si elle est telle que je le disais, il emploiera l’injustice.

Je suis charmé, Thrasymaque, que tu répondes si bien, et autrement que par des signes de tête.

C’est pour t’obliger.

J’en suis reconnaissant. Fais-moi encore la grace de me dire si un État, une armée, une troupe de brigands, de voleurs, ou toute autre société de ce genre, pourrait réussir dans ses entreprises injustes, si les membres qui la composent violaient, les uns à l’égard des autres, les règles de la justice.

Elle ne le pourrait pas.

Et s’ils les observaient ?

Elle le pourrait.

N’est-ce point parce que l’injustice ferait naître entre eux des séditions, des haines et des combats, au lieu que la justice y entretiendrait la paix et la concorde ?

Soit, pour ne pas avoir de démêlé avec toi.

On ne peut mieux, mon cher. Mais si c’est le propre de l’injustice d’engendrer des haines et des dissensions partout où elle se trouve, elle produira sans doute le même effet parmi les hommes libres ou esclaves, et les mettra dans l’impuissance de rien entreprendre en commun ?