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pour cela celui d’entre eux qui a dans son ame le tyran le plus puissant et le mieux escorté.

C’est en effet l’homme le plus propre au métier de tyran.

Passe encore, si on se soumet volontairement ; mais si on résiste, alors, tout comme il a maltraité son père et sa mère, il saura bien, s’il est le plus fort, corriger son pays, en y introduisant de jeunes amis, et en leur tenant asservis, contre les droits de l’ancienne affection, cette mère et ce père qu’on appelle la patrie[1]. C’est là qu’aboutiront les désirs du tyran.

Sans doute.

Maintenant n’est-il pas vrai que ces hommes encore dans la vie privée, et avant d’arriver au pouvoir, se conduisent de la sorte : ou bien ils ont des flatteurs prêts à leur obéir en tout, ou ils rampent eux-mêmes devant les autres, quand ils ont besoin d’eux, et n’hésitent pas à jouer tous les rôles pour montrer leur dévouement, sauf à leur devenir étrangers dès qu’ils ont obtenu ce qu’ils souhaitent ?

Rien n’est plus ordinaire.

Ils passent donc leur vie sans être amis de personne, sans cesse despotes ou esclaves ; pour

  1. Le texte : « Sa matrie (μητϱίδα), comme disent les Crétois, et sa patrie. » Nous n’avons pas osé transporter en français la locution Crétoise.