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dérés, tandis que les autres secondent de tout leur pouvoir la faction contraire ; quand ces enchanteurs habiles qui possèdent le secret de faire des tyrans, désespéreront de tout autre moyen de retenir ce jeune homme, ils feront naître en son cœur, par leurs artifices, l’amour de se mettre à la tête des désirs oisifs et prodigues, amour qui est une sorte de grand frelon ailé ; car crois-tu qu’un pareil amour soit autre chose ?

Non, rien autre chose.

Bientôt les autres désirs, ceux d’un caractère ardent, avec les parfums, les onguens recherchés, le vin, les fleurs, ainsi que les plaisirs sans frein qui sont toujours de la partie, viennent bourdonner autour de l’amour, le nourrissent, l’élèvent, et arment enfin le frelon de l’aiguillon de l’ambition ; alors, escorté de la folie et comme un forcené, ce tyran de l’ame immole tous les sentimens et les désirs honnêtes et pudiques qu’il peut trouver en lui-même, et s’applique à les en bannir, jusqu’à ce que toute sagesse ait fait place à une fureur inconnue.

Voilà bien comment se forme l’homme tyrannique.

N’est-ce pas pour cette raison que dès longtemps l’amour a été appelé tyran ?

Il y a toute apparence.