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Supposez qu’on parvienne à le chasser, mais qu’il revienne malgré ses ennemis, ne revient-il pas tyran achevé ?

Certainement.

Mais si les riches ne peuvent ni le chasser, ni le faire périr en le décriant parmi le peuple, ils conspirent sourdement contre sa vie.

C’est ce qui a lieu volontiers.

Arrivé là, l’ambitieux, à l’exemple[1] de tous ceux qui en sont venus comme lui à ces extrémités, adresse au peuple la fameuse requête du tyran : il lui demande une garde, afin que le défenseur du peuple soit en sûreté.

Oui vraiment.

Et le peuple la lui donne, craignant tout pour son défenseur, et en parfaite sécurité pour lui-même.

A merveille.

C’est en ce moment, mon cher ami, que tout homme qui a de la fortune, et qui est suspect par conséquent d’être un ennemi du peuple, prend le parti que conseillait l’oracle à Crésus[2] :

      Il s’enfuit vers l’Hermus au lit pierreux,
Quitte la patrie et ne craint pas le reproche de lâcheté.

  1. Allusion à Pisistrate.
  2. Hérodote, I, 55. Voyez aussi le Scoliaste.