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Mais le dernier excès de la liberté dans un État populaire, c’est quand les esclaves de l’un et de l’autre sexe ne sont pas moins libres que ceux qui les ont achetés. Et nous allions presque oublier de dire jusqu’où vont l’égalité et la liberté dans les rapports des femmes et des hommes.

Et pourquoi donc ne dirions-nous pas, selon l’expression d’Eschyle,

Tout ce qui nous vient maintenant à la bouche[1] ?

Sans doute, et c’est aussi ce que je fais. Il n’est pas jusqu’aux animaux à l’usage des hommes qui en vérité ne soient là plus libres que partout ailleurs ; c’est à ne pas le croire, si on ne l’a pas vu. Des petites chiennes y sont tout comme leurs maîtresses, suivant le proverbe ; les chevaux et les ânes, accoutumés à une allure fière et libre, s’en vont heurter ceux qu’ils rencontrent, si on ne leur cède le passage. Et ainsi du reste ; tout y respire la liberté.

Tu me racontes mon propre songe. Je ne vais jamais à la campagne, que cela ne m’arrive.

Or, vois-tu le résultat de tout ceci, combien les citoyens en deviennent ombrageux, au point

  1. On ignore à quelle tragédie d’Eschyle appartient ce vert qui était passé en proverbe.